[Humeurs] Promenons-nous dans les bois, pendant que le loup.... fait peur à mon enfant!
Publié le 22 Septembre 2017
Partage d'une scène de vie vécue pendant une dizaine de jours à la maison.
Ma fille cadette, 2 ans et demi, d'un air paniqué:
- "Maman, j'ai peur!
- De quoi as tu peur ?
- Du loup!
- Ah?
- Oui, le loup qui mange les enfants!"
A chaque fois que cette conversation se répétait, s'en est systématiquement suivi un discours rassurant de ma part, sur l'existence des loups, leur présence dans les livres et tutti quanti.
Ouf, l'anxiété née de cette figure du loup est passée. Mais, pendant dix jours ma fille a eu des élans de panique. Alors je me suis demandée : POURQUOI?
D'où est venue cette peur du loup?
J'aime bien comprendre. J'aime bien savoir. J'aime pouvoir expliquer les choses. Je savais que cette peur du loup ne pouvait avoir été transmise à la maison car j'ai toujours fait attention à ne pas entretenir des peurs inutiles, imaginaires. Nous lisons des histoires de loup "gentil" ou des documentaires. Après quelques investigations qui m'ont mené à des échecs (je pensais que ma fille avait entendu cela dans un livre), un jour elle se met à fredonner "Promenons-nous dans les bois, pendant que le loup y'est pas, si le loup y'était il nous mangerait". Eurêka! Voici la fautive! Une comptine entendue à la crèche sur un CD de comptines "classiques".
Pourquoi je ne désire pas entretenir la spirale de la peur via les contes et comptines "traditionnelles" chez mon enfant de moins de 5 ans?
Je pourrais vous parler stimulation de l'amygdale et vulnérabilité émotionnelle mais je vais simplement citer Catherine Gueguen (Pour une enfance heureuse), parce qu'elle le dit très clairement et que je ne ferais pas mieux, sa légitimité en moins :
"Cela explique qu'il peut être réellement terrifié par cette violence. De plus, les souvenirs de ces peurs vécues dans l'enfance vont rester fixés à vie à son amygdale de façon inconsciente. Ces souvenirs de peur continuent à agir sur lui à l'âge adulte, et vont le perturber sur le plan psychique.
Induire la peur chez le tout-petit prend même parfois le masque de la gentillesse: "Viens, je vais te raconter une histoire." Et l'enfant écoute l'adulte bouche bée et croit que l'adulte dit "vrai". Pourquoi les adultes racontent-ils des histoires de loups, de sorcières et de monstres qui entraînent de véritables peurs chez l'enfant entre 2 et 5 ans, âge durant lequel il n'est pas encore vraiment capable de différencier le réel de l'imaginaire, de prendre du recul et de se raisonner? Il ne veut plus aller dans sa chambre, il y a des loups, des monstres sous son lit, il est terrifié et fait des cauchemars avec des monstres. Qui a fabriqué ces peurs irréelles? En quoi est-ce éducatif de créer des peur à cet âge de grande vulnérabilité émotionnelle?"
Je vous laisse méditer sur ces deux dernières questions...
Comment faire pour l'éviter?
Après tout il n'y a pas urgence... Cela ne me paraît pas si difficile d'attendre au moins l'âge de 5 ans, afin que le distinguo réel/imaginaire soit effectif, pour lire des histoires qui font peur ou chanter des comptines aux histoires un peu glauques. Afin de pouvoir tirer profit des contes et autres comptines imaginaires, l'enfant doit pouvoir faire la différence entre réel et imaginaire ainsi que savoir identifier ses émotions... ce qui est rarement le cas avant 6/7 ans. A quoi bon apporter au très jeune enfant d'autres peurs, qui n'étaient pas les siennes et dont il se serait bien passé ?
Et à ceux qui pensent que, en faisant ainsi, on ne prépare pas notre enfant à la dureté du monde, je répondrais simplement que la force de l'attachement et de la sécurité affective des premières années de vie font leur travail... La peur fait partie de la vie, c'est normal d'avoir peur, mais on peut préparer notre enfant à affronter cela autrement qu'en rajoutant une couche imaginaire à ce que la vie leur imposera. Evoquons les peurs de la vie réelle, il y a déjà du boulot...
En attendant, on ne bannit pas le loup. On en parle, pour ce qu'il est, à savoir un animal qui chasse ses proies pour des raisons propres à sa nature. Evoquer la vie réelle des animaux. Quant aux loups dans les histoires imaginées, il en existe des suffisamment non-violents...