Précurseurs et chefs de file de l'éducation respectueuse aux XIXe, XXe et XXI siècles
Publié le 7 Mars 2018
L'éducation positive/non-violente/respectueuse est une mode? Petit rappel historique d'histoire contemporaine...
Bien que le terme d’ « éducation positive » soit relativement récent, l’intérêt pour la recherche d’une éducation centrée autour du développement de l’enfant ne date pas d’hier. De tout temps, de nombreux chercheurs ou pédagogues se sont penchés sur cette thématique, poursuivant et approfondissant d’année en année les travaux que d’autres avaient menés avant eux. L’idée directrice étant de réfléchir à ce qui pourrait permettre aux jeunes êtres humains de s’épanouir pour devenir de meilleurs adultes. Voici une liste non exhaustive d’hommes et de femmes des XIXe et XXe siècles dont les recherches ont œuvré en ce sens.
PRECURSEURS
- Pauline Kergomard (1838-1925) :
Institutrice puis inspectrice générale des écoles maternelles en France, elle suivit la transformation des salles d’asile servant d’accueil pour les jeunes enfant en salles d’instruction. Elle souhaitait favoriser le développement naturel de l’enfant et réclamait notamment un mobilier adapté à leur taille. Elle introduisit le jeu et les activités artistiques et sportives à l’école. Elle souhaitait que les enfants puissent s’initier à la lecture et au calcul avant 5 ans.
« Laissons à l’enfant toute sa spontanéité. Eveillons ses énergies au lieu de les réprimer : pas de contraintes, pas de punitions, attendons, pour lui inculquer des connaissances, que sa curiosité aspire à les recevoir. » (Pauline Kergomard)
- Maria Montessori (1870-1952) :
Médecin et pédagogue italienne, elle consacra ne grande partie de sa vie à développer une méthode et du matériel éducatifs pour les enfants issus de quartiers défavorisés. L’essentiel de sa méthode se fonde sur l’observation de l’enfant, qui permet d’affiner et de définir ce dont il a besoin. La méthode Montessori met l’enfant au cœur des apprentissages et celui-ci devient l’acteur principal des savoirs et des savoir-faire qu’il souhaite acquérir. Il choisit ses activités et peut les répéter autant de fois qu’il le souhaite et à son rythme. Le matériel Montessori est généralement auto-corrigeant, permettant ainsi à l’enfant de comprendre ses erreurs sans recourir à l’aide d’un adulte, ce qui développe entre autres l’autonomie et l’estime de soi. Dans les écoles Montessori, le mobilier et les objets utilisés par les enfants sont adaptés à leur taille. Les élèves participent à l’ensemble de la vie de l’école, notamment par le biais des tâches ménagères. Pour Maria Montessori, le rôle de l’adulte est d’accompagner le développement naturel de l’enfant où liberté rime avec discipline. En 1929, elle a fondé l’Association Montessori internationale, dont le but est de promouvoir les principes pédagogiques et le matériel qu’elle a développés.
De nos jours, de nombreuses écoles Montessori se sont ouvertes en France, permettant à un plus grand nombre d’enfants de bénéficier de cette pédagogie. La pensée de Maria Montessori est souvent résumée par cette formule : « Aide-moi à faire seul. »
« L’adulte doit donner ce qui est nécessaire à l’enfant pour qu’il puisse agir de lui-même. Si l’adulte donne moins que le nécessaire, l’enfant ne peut agir de façon conséquente ; et si l’adulte donne trop, il s’impose à l’enfant et risque d’éteindre ses impulsions créatrices. » (Maria Montessori)
- Alfred Adler (1870-1937) :
Médecin et psychothérapeute d'origine autrichienne, il commença par suivre la voie de la psychanalyse classique en participant activement aux cercles de discussion organisés chaque semaine par Sigmund Freud. Après quelques années de recherche empirique auprès des patients qu'il soignait dans sa clinique, Alfred Adler défendit une nouvelle vision de l'homme : celle d'un être social et libre non commandé par ses instincts. Il fonda alors son propre courant et créa ainsi la « psychologie individuelle ». Selon lui, chaque patient est unique et doit être vu comme un individu dans son ensemble (tête, coeur et corps). Il lui semblait essentiel de trauter le physique tout en comprenant simultanément l'esprit. Il chercha à appréhender les révroses de ses patients en s'intéressant à leur style de vie, particulièrement durant l'enfance. Par style de vie, il sous-entendait notamment la situation familiale, l'éducation reçu, la place dans la fratrie ou encore l'environnement. Cherchant à définir la meilleure éducaton possible, Alfred Adler insista sur l'importance du développement de sentiment social chez l'enfant, notamment par le biais de la coopération, d'un respect mutuel et d'une égalité sociale. Lorsqu'il évoquait les nombreuses problématiques rencontrées dans son cabinet (benjamin trop gâté, élève qui redouble, enfant perturbateur en classe…), il prenait soin de détailler le style de vie de chaque patient pour fournir aux adultes lecteurs de nombreux conseils educatifs, mais aussi un autre regard pour mieux comprendre la situation.
« Il est évident que nous ne sommes pas influencés par les « faits » mais par notre opinion sur les faits. » (Alfred Adler)
- Rudolf Dreikurs (1897-1972) :
Psychiatre et éducateur autrichien, il fut l’un des disciples d’Alfred Adler. Par ses écrits, il rendit la pensée de son mentor accessible au plus grand nombre. Pour Rudolf Dreikurs, la philosophie adlérienne est la plus juste et la plus logique pour l’avènement d’une société démocratique où chacun trouverait sa juste place. Rudolf Dreikurs développa une méthode éducative pour comprendre les comportements inappropriés des enfants en les aidant à développer une attitude coopérative sans avoir recours au système classique alliant punitions et récompenses.
« Un enfant qui se conduit mal est un enfant découragé. » (Rudolf Dreikurs)
- Haim Ginott (1922-1973) :
Rescapé des camps de concentration, il commença sa carrière en tant que maître d’école en Israël. Il émigra ensuite aux Etats-Unis où il obtint un doctorat en psychologie clinique. C’est en travaillant quotidiennement auprès d’enfants qu’il imagina et mit en place une méthode éducative alliant compassion et cadre. Par la suite, il créa des groupes de parents où il traita de ses techniques de communication adulte-enfant. Il défendait l’idée que les enfants doivent apprendre dès le plus jeune âge à faire des choix, dans la limite de leur possibilité et de leur sécurité. Il accordait de l’importance à l’écoute des sentiments et à notre façon de nous comporter avec les enfants en tant que modèles pour eux.
« Les enfants sont comme le ciment humide… Tout ce qui leur tombe dessus imprime une marque en eux. » (Haim Ginott)
- Alice Miller (1923-2010) :
Née en Pologne, Alice Miller obtint son doctorat en psychologie, en philosophie et en sociologie dans les années 1950 en Allemagne. Elle enseigna et exerça la psychanalyse pendant près de vingt ans, avant de se consacrer pleinement à des travaux de recherche sur l’enfance. Elle souhaitait comprendre les racines de la violence de personnalités connues, comme Adolf Hitler. A la fin des années 1980, elle rompit définitivement avec la psychanalyse classique qui n’accordait pas toujours le crédit escompté aux expériences de l’enfance. Ses thèses visèrent à démontrer que toute violence infligée à l’enfant a des répercussions sur sa vie d’adulte et parfois même sur la société elle-même (pour les grands dictateurs, par exemple). Elle dénonça les méfaits d’une éducation traditionnelle qui a pour but de dresser l’enfant et d’en faire un être docile et soumis. Elle la nomma « pédagogie noire » et introduisit le terme de « violence ordinaire » pour définir toute forme de blessure infligée à l’enfant et qui peut paraître anodine pour une grande majorité de parents (gifles, moqueries, humiliations, exclusions…). Elle évoqua la notion de « témoin secourable », personne bienveillante dans l’entourage de l’enfant maltraité, qui peut aider ce dernier dans sa résilience. Enfin, elle proposa une thérapie aidant les adultes en souffrance à se confronter à leur passé pour réparer leurs blessures d’enfance en ressentant la souffrance vécue. L’idée est de pouvoir s’en libérer pour revivre pleinement ensuite.
« Si une mère se respecte elle-même et son enfant dès ses premiers jours, elle n’aura jamais besoin de lui enseigner le respect des autres. » (Alice Miller)
CHEFS DE FILE EN FRANCE
Il existe de plus en plus de défenseurs contemporains de l’éducation positive et des impacts qu’elle peut avoir sur l’évolution de la société, notamment en France.
- Olivier Maurel :
Professeur de français agrégé de lettres, il s’intéresse très tôt à la violence éducative et aux répercussions sur le développement de l’enfant et dans sa vie d’adulte. S’inscrivant dans la lignée d’Alice Miller, il ajoute aux travaux de recherche de son aînée les dernières découvertes en neurologie. En 2005, il crée l’Observatoire de la violence éducative ordinaire (OVEO), une association (rattachée à un site internet très actif : www.oveo.org) dont l’objectif est d’informer le plus largement possible les parents, les enseignants, mais aussi les responsables politiques sur les dangers des violences faites aux enfants. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur ces thématiques, notamment Oui, la nature humaine est bonne !, où il explique comment l’éducation pervertit l’empathie et la bonté naturelle de l’enfant. Son livre La Fessée : questions sur la violence éducative, préfacé par Alice Miller, s’adresse aux parents pour les informer sur les dangers de ce que l’on appelle la « violence éducative ordinaire ». Il explique également comment poser un cadre et des limites sans avoir recours aux gifles ou aux fessées.
- Catherine Gueguen
exerce la pédiatrie à l’Institut hospitalier franco-britannique de Levallois-Perret depuis plus de vingt-cinq ans. Spécialisés dans le soutien à la parentalité, elle anime également de nombreux groupes de travail pour les professionnels en contact avec les parents et les enfants (médecins, psychologues, éducateurs…). Dans son premier livre, Pour une enfance heureuse, elle expose les dernières découvertes scientifiques sur le développement et le cerveau de l’enfant. Sou ouvrage, véritable plaidoyer en faveur d’une éducation bienveillante, est une référence en matière scientifique. Elle explique en quoi une relation empathique dénuée de toute forme de violence permet à l’enfant de développer de manière optimale ses capacités intellectuelles et relationnelles.
- Isabelle Filliozat
est psychothérapeute depuis près de trente-cinq ans. Elle a fondé l’Ecole des Intelligences relationnelles et émotionnelles (Eirem), où elle propose des formations centrées autour de ce qu’elle nomme l’ « approche empathique intégrative ». Fervente défenseuse de l’éducation positive, elle a écrit plus d’une quinzaine d’ouvrages sur le sujet, dont les plus connus sont Au cœur des émotions de l’enfant et J’ai tout essayé !. Elle donne de nombreuses conférences destinées principalement aux parents et aux spécialistes de l’enfance, et forme des professionnels en accompagnement parental.
- Catherine Dumonteil-Kremer,
ancienne éducatrice Montessori, accompagne les parents depuis plus de vingt ans dans leur cheminement personnel et leurs remises en question. Très tôt, elle prend conscience de l’importance du soutien aux parents et crée la liste « Parents conscients » sur Internet, lieu de partage et d’échange autour de l’éducation sans violence, la communication dans la famille, les apprentissages… Rédactrice en chef du magazine de parentalité positive Pep’s, elle est également l’auteure d’une dizaine d’ouvrages autour de l’éducation positive, dont le plus célèbre est Elever son enfant autrement. Elle a fondé le réseau « Parentalité créative » qui forme des professionnels à l’accompagnement parental centré autour de l’écoute des besoins des enfants et de l’accueil des émotions Elle est également à l’initiative de la journée de la non-violence éducative en France.
- Céline Alvarez,
passionnée par le développement du savoir humain, choisit rapidement de devenir enseignante. Au regard des dernières découvertes scientifiques, elle souhaite développer au sein d’une école publique les outils proposés par Maria Montessori. En 2011, elle a la possibilité pendant trois ans de développer son approche des sciences cognitives dans une classe de maternelle située en zone d’éducation prioritaire à Gennevilliers (Hauts-de-Seine). Elle a ainsi carte blanche pour mener à bien son projet en choisissant un mobilier, des activités et la façon de les mener. Elle fait suivre les progrès de ses élèves par une équipe de chercheurs afin de se munir d’une caution scientifique. En 2014, et malgré des résultats stupéfiants sur l’évolution des savoirs, savoir-faire et savoir-être de ses élèves, elle n’a pas l’autorisation du ministère pour continuer sa démarche. Elle choisit de démissionner de l’Education nationale pour promouvoir ses recherches et ses observations autour du développement naturel de l’enfant. En 2016, elle publie son premier ouvrage, Les Lois naturelles de l’enfant, où elle relate en détail la mise en place de son projet et le quotidien dans sa classe pendant ces trois années.
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