[Ecole] Lumière sur les neuromythes
Publié le 28 Janvier 2019
Lumière sur sur les neuromythes !
Depuis une vingtaine d’année, on assiste à une véritable neuromania ou neurophilie, appelez cela comme vous voulez. Les sciences cognitives et les neurosciences ont suscité l’intérêt du grand public, Les neuromythes sont des croyances concernant le fonctionnement du cerveau. Ces dernières peuvent naître de simplifications excessives, de distorsions des résultats expérimentaux ainsi que de leurs interprétations, de mécompréhensions aussi.
Voici quelques neuromythes, extraits du livre Les neurosciences en éducation (collectif) :
1. Les images IRM sont des preuves irréfutables quelles qu’elles soient. Cela est à nuancer. Il s’agit de prendre en compte le critère de réfutabilité de Karl Popper, épistémologue anglais du XXè siècle. D’après lui, une théorie n’est scientifique que si elle est réfutable c’est-à-dire qu’elle soit apte à proposer des prédictions, qui, si elles sont contredites, imposent une révision de la théorie. L’autre élément important à prendre en compte est le fait de s’appuyer sur des méta-analyses plutôt que sur des analysées isolées.
En bref, il s’agit de ne pas mettre en suspend notre esprit critique dès que des techniques d’imageries cérébrales sont avancées.
2. Tout se joue avant x âge. Ce neuromythe relève du déterminisme, et est anxiogène voire culpabilisant. En réalité, si il y a bien une explosion synaptique les trois premières années de vie, et une intensification de l’élagage synaptique entre la deuxième et la troisième année, le phénomène de développement cérébral se poursuit jusqu’à l’âge adulte. De plus ; des apprentissages ponctuels peuvent permettre la poursuite de cette transformation à des âges très avancés. Tout est nuance. La plasticité cérébrale existe belle et bien mais elle n’est pas absolue.
En bref, rien n’est jamais joué d’avance.
3. Il y a trois styles d’apprentissages : visuel, auditif et kinesthésique. Ce neuromythe fait le présupposé que chaque apprenant à une modalité préférée et que la modalité d’instruction devrait correspondre à la modalité préférée. Or, c’est bien plus variable et complexe que cela. Si l’individu a des préférences pour un style pour une tâche particulière, il ne doit cependant pas occulter les autres styles par souci de polyvalence.
En bref, l’apprentissage est multimodal.
4. Il existe 8 formes et demi d’intelligences. La théorie d’Howard Gardner a voulu briser le paradigme de l’intelligence unique. Les neurosciences vont effectivement dans le sens de l’existence d’une multiplicité de capacités, qui seraient en partie indépendantes les unes des autres. Mais cette théorie n’a aucun fondement empirique solide. Si elle n’a que peu de pertinence théorique, elle a pour avantage de tenter de valoriser une plus large variété d’aptitudes d’élèves.
En bref, l’intelligence a de multiples facettes qui sont toutes en interrelation.
5. Quand on dort, on apprend. Si dormir aide à restaurer l’énergie ainsi que les capacités d’attention et de concentration, la recherche montre que cela renforce la mémorisation. Le sommeil réactive certaines informations c’est certain, mais on ne peut pas dire que la preuve d’acquisition de connaissances en dormant ait été apportée.
En bref, dormir permet de consolider les apprentissages du jour écoulé.
6. Se tromper, c’est échouer. Le cerveau humain apprend de ses erreurs de prédiction. Ainsi, être performant c’est avoir un cerveau qui prend acte des erreurs de prédiction puis qui s’adapte (car il aura émis un signal annonçant un écart entre le fait et les attentes).
En bref, l’erreur est un écart par rapport à une attente et elle permet le réajustement.
7. Quand on veut, on peut. Si les recherches ne permettent pas de mettre en évidence le fait que la motivation suffit à accroître les performances scolaires, en revanche la résignation ou l’amotivation sont délétères et entraînent l’échec.
En bref, l’amotivation entrave les apprentissages, contrairement à l’engagement actif.
8. Les écrans transforment notre cerveau. Si l’ère numérique a profondément transformé notre façon d’accéder à l’information, on ne peut pas parler de mutation du cerveau du fait des écrans. Il semble toutefois que dès que l’on sait qu’une information est accessible sur l’internet nous la retenions nettement moins bien. Certains y voient là un comportement adaptatif et c’est une donnée à prendre en compte à l’école en particulier. En effet, il s’agirait de mesurer les conséquences du fait que des élèves considèrent qu’il n’est pas nécessaire ni utile d’apprendre des choses qui sont disponibles sur l’internet.
En bref, les écrans ne transforment pas notre cerveau mais ils changent notre rapport à l’information et à la connaissance.
9. Nous utilisons au maximum 10% de notre cerveau. Plaçons le cerveau d’une personne sous surveillance IRM pendant 24 heures et nous aurons le loisir d’observer que chaque zone du cerveau a été utilisée au moins une fois.
En bref, même si cela peut faire rêver que l’humain n’utilise pas pleinement son potentiel, cela est invalidé.
Pour conclure, il est intéressant de connaître le vrai du faux et d’être en capacité de débusquer les neuromythes et autres simplification à outrance, en particulier dans le domaine de l’éducation.
Le livre Les neurosciences en éducation est disponible en librairie ou sur internet.