'Infantiliser' ou quand un mot renvoie à une vision dévalorisante de l'enfance
Publié le 1 Juin 2020
[Infantiliser]
Dernièrement j'ai lu un article du monde diplomatique. Il avait pour titre "Tous des enfants" et parlait de l'infantilisation des populations confinées. Le fond de l'article explorait avec un peu de recul les rapports entre le pouvoir et la population. Mais ce n'est pas là-dessus que mon attention s'est portée, bien que le sujet mériterait qu'on s'y attarde.
J'ai littéralement scotché sur le titre, "tous des enfants", et le terme "infantilisés".
"Infantiliser" c'est "rendre infantile" donc "traiter quelqu'un d'une manière relative à l'enfance ou traiter comme un enfant" en quelque sorte. Certains se diront peut-être que ce n’est pas un mal d’infantiliser, en ce sens où ça pourrait désigner le fait d’appréhender quelqu’un à l’aune de ses besoins particuliers eu égard de son processus de développement sur les plans cognitifs, physiologiques, émotionnels, etc. Dans ce cas, le fait d’infantiliser reviendrait à une forme de prise en compte spécifique, qui pourrait être respectueuse. Dans ce cas là beaucoup de monde rêverait d’être infantilisé, traité avec respect.
Mais, force est de constater que dans le langage commun on a l'habitude de dire "Oh arrête de m'infantiliser" quand on subit une attitude descendante, autoritaire, qui ne nous donne aucune once d'autonomie ni de responsabilisation. J’ai déjà employé cette phrase à l’attention de ma propre hiérarchie par exemple, et ce n’était pas du tout pour une situation agréable !
Alors, quand on regarde ce mot d’un peu plus près, on y voit toute la force de la négation même de l’enfance. Ce mot « infantiliser » porte en lui toutes les notions de soumission, d’obéissance aveugle et de domination adulte, que j’essaie personnellement de déconstruire. C'est un terme vécu de façon péjorative car il renvoie à une vision sociétale de ce que serait l'enfant.
C’est donc l’usage que l’on fait de ce mot qui lui affuble des valeurs liées telles l’obéissance, le principe de coercition, le pouvoir des adultes, la domination banalisée, la conformation à des attendus et tant d’autres notions connexes à la légitimation de l’oppression.
Je ne suis ni linguiste ni académicienne, je vous livre simplement ce que je pense de l’usage de ce mot. Et ça a la valeur qu’on lui attribue, à savoir, un avis. Simplement. Je suis curieuse de connaître le votre.