La violence ancestrale, un mythe déconstruit dans un article du Monde diplomatique (juillet 2015)
Publié le 6 Juillet 2015
Dans Le Monde diplomatique de juillet 2015 (N°62), un article de Marylène Patou-Mathis intitulé "Non, les hommes n'ont pas toujours fait la guerre" a pour but de "déconstruire le mythe d'une préhistoire sauvage et belliqueuse". C'est un article qui s'inscrit donc, selon moi, directement dans la nébuleuse d'Olivier Maurel, pour qui "la nature humaine est bonne".
On apprend dans cet article que l'image de l'homme préhistorique violent et assoifé de guerre n'est qu'une invention tardive... qui remonte au XIXè siècle. Anthropologues et préhistoriens partent du postulat que l'humanité évolue progressivement et unilinéairement pour arriver à cette construction. Au fur et à mesure du temps des fictions ont figé dans nos société une espèce d'archétype de l'homme préhistorique de base: un homme viril vêtu de peau de bête, armé, qui combat des animaux bien plus grands que lui, pour qui les conflits sont omniprésents...etc... Cela me rappelle personnellement mes livres d'histoire (préhistoire...) de l'école primaire. Comme quoi il faut du temps pour construire un mythe et aussi pour le déconstruire.
Au XXè siècle les préhistoriens annoncent que l'homme préhistorique est agressif par nature. Pourtant, dans cet article, solide d'une bibliographie francophone et anglophone abondante, l'auteure tient à démontrer que "Plusieurs études en neurosciences affirment que le comportement violent n'est pas génétiquement déterminé. Même s'il est conditionné par certaines structures cognitives, le milieu familial et le contexte socio-culturel jouent un rôle important dans sa genèse. En outre, de nombeux travaux, tant en sociologie ou en neurosciences qu'en préhistoire, mettent en evidence le fait que l'être humain serait naturellement empathique. C'est l'empathie voire l'altruisme, qui aurait été le catalyseur de l'humanité."
Marylène Patou-Mathis appuie sa démonstration sur l'exemple des handicapés physiques et mentaux qui n'étaient pas tués. C'est l'archéologie qui vient corroborer tout cela en montrant que les hommes de la préhistoire prenaient soin de leurs infirmes et blessés. Toutefois, ici l'auteure ne ferme pas les yeux et tente de trouver une explication (ou plusieurs) au fait que des squelettes portant des signes de violences ont été retrouvés. Après tout, pourquoi conclure forçément à des réglements de compte belliqueux? Dans cet article, la question est posée: Mais alors quand apparaît vraiment la violence??? La réponse de l'auteure est simple: c'est la sédentarisation qui est à mettre en cause avec la naissance de l'économie de production ainsi que le bouleversement des structures sociales. On est donc en pleine période du néolithique, il y a 10 000 ans.
Pour résumé je vous note ici le dernier paragraphe: "Ainsi, la "sauvagerie" des préhistoriques ne serait qu'un mythe forgé au cours de la seconde moitié du XIXè siècle pour renforcer le concept de "civilisation" et le discours sur les progrès accomplis depuis les origines. A la vision misérabiliste des "aubes cruelles" succède aujourd'hui - en particulier avec le développement du relativisme culturel - celle, tout aussi mythique, d'un "âge d'or". La réalité de la vie de nos ancêtres se situe probablement quelque part entre les deux. Comme les montrent les données archéologiques, la compassion et l'entraide, plus que la compétition et l'agressivité, ont probablement été des facteurs-clés dans la réussité évolutive de notre espèce."
On a donc ici un article à lire puisqu'il déconstruit un mythe profondément ancré, qu'il redonne espoir sur la nature humaine, tout en peignant un tableau non idéalisé non plus. Bonne lecture si vous décidez de le lire!
PS: L'auteure, Marylène Patou-Mathis, est directrice de recherche au CNRS, département préhistoire du Muséum national d'histoire naturelle (Paris).
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