Lettre ouverte : J'accuse l'émission "Super Nanny"
Publié le 3 Octobre 2016
J'accuse!
J'accuse l'émission "Super Nanny" de diffuser et banaliser des scènes de maltraitance d'enfant, sous couvert d'éducation.
Dans l'émission diffusée le 10 septembre 2016 sur TF1 (et rediffusée ce samedi 30 septembre sur NT1), à la 42è minute, on assiste à une scène pouvant clairement heurter. "Super Nanny" attrappe violemment un enfant de 5 ans pour l'éloigner. L'enfant est pris par le col, secoué, subit des cris... "J'ai été extremement dure avec lui"... Sans blague? On ne parle pas ici d'un parent qui dérape. On parle d'une professionnelle de l'éducation (ou se revendiquant comme telle) qui, dans un média à large audience, à une heure de grande écoute, maltraite un enfant... dans une séquence volontairement laissée, et donc approuvée, au montage.
Savez-vous, chers concepteurs de cette émission, que la violence éducative est interdite par la loi? Vous rendez-vous compte que vous avez le devoir de lutter contre toute forme de violence éducative... et non d'en faire un acte banalisé? Une grande chaîne de diffusion a une obligation ETHIQUE de lutter contre la violence.
Votre émission est dangereuse, elle promeut de façon claire les violences sur les enfants, qu'elles soient physiques ou psychologiques. Savez-vous qu'actuellement, en France, 2 enfants meurent sous les coups chaque jour?
L'enfant ici n'est pas respecté, ni dans son intégrité physique, ni dans son intégrité morale. Tout est fait pour le présenter comme un "monstre" "manipulateur" et "perverse". On utilise son image sans son consentement éclairé. L'enfant n'est pas entendu dans ses émotions. Elles ne sont donc pas accompagnées convenablement (voire pas du tout).
J'accuse l'émission "Super Nanny" de foncer tête baissée et parfois on pourrait aller jusqu'à parler de non-assistance à personne en danger. Dans l'émission diffusée le 25 janvier 2016 il est question d'une petite fille qui se fait vomir et boit son chocolat à la paille. D'emblée votre "Super Nanny" en conclue que les aliments ne sont pas adaptés à son âge et force l'enfant à manger. Evidemment cela se termine par des vomissements. J'ai été contactée par une orthophoniste scandalisée par ces images. Vous n'avez ici pas cherché plus loin. Car en effet, face à ce genre de situation, il semble primordial de se poser la question d'une éventuelle pathologie et de rencontrer un spécialiste (orthophoniste donc) qui déterminera la présence ou non de troubles de l'oralité et pourra conseiller les parents ou envisager une rééducation. Dans cette émission il y a donc un problème d'aiguillage. On écarte d'office la présence de troubles de l'oralité dont souffre PEUT-ETRE cette enfant... préférant insister sur le côté "capricieux" et "manipulateur" d'un enfant. Visiblement cela est plus important pour l'audimat...
Avec ce genre de séquence on rassure les parents et éducateurs qui pratiquent les violences éducatives ordinaires. Hors, il est du devoir des médias de masse, de montrer qu'il existe de vraies alternatives. Mais sans doute est-ce moins vendeur... ou raccoleur...
Et je ne parle même pas de l'immobilisme dont tout le monde fait preuve dans cette séquence filmée. Personne ne réagit à la violence qui est donnée à voir. Comme si c'était normal. Et bien non! Ce n'est pas normal!!!
Que faites-vous des recommandations actuelles de la Ministre des Famille, de l'Enfance et des Droits des Femmes... qui oeuvre depuis quelques mois pour faire entrer la bienveillance au sein des foyers? Car ici vous laissez à voir aux téléspectateurs que l'on peut (ou que l'on doit) répondre à la colère d'un enfant par une attitude dégradante et humiliante, et violente physiquement.
Aux producteurs de l'émission et autres chargés de ce programme, vous jouez le jeu de la recherche du profit et de l'audimat, dans une société tuée par l'apât du gain! Aux téléspectateurs, vous jouez le jeu du voyeurisme, dans une société qui voit des valeurs fondamentales noyées à grandes eaux. Aujourd'hui je vous demande une chose: le RESPECT. Respectons-nous, respectons nos enfants. Chacun a un rôle à jouer.
Catherine Gueguen, dans Vivre heureux avec son enfant, écrit "Les adultes reproduisent souvent avec leur enfant les méthodes d’éducation qu’ils ont vécues et qui pourtant sont la source de leur anxiété, d’une perte de confiance, d’une mauvaise estime de soi. Ils n’ont pas conscience que leur mal être vient de là et ont donc tendance à élever leur enfant de la même façon, sans s’interroger. Pourtant, il est tout à fait possible d’élever des enfants autrement pour le bien de tous, enfants et parents." Je pense qu'il est de notre devoir à tous de diffuser cette information CA-PI-TALE! Les médias ont un rôle à jouer. Par pitié, "Super Nanny", soyez AVEC nous, et pas contre nous.
Alors concrètement on fait quoi?
On pourrait expliquer à "Super Nanny" que les solutions miracles n'existent pas... mais que globalement on peut s'appuyer sur des écrits solides liés aux dernières recherches en neurosciences et aux études sur l'intelligence émotionnelle. En tout premier lieu il serait primordial que l'équipe de cette émission se forme sur les étapes de formation du cerveau (je suggère la lecture de Pour une enfance heureuse de Catherine Gueguen). Elle y apprendrait que l'enfant a un cerveau immature et cela explique bon nombre de ses réactions instinctives lorsqu'il se sent en danger, menacé, en situation de stress. Le cortex préfrontal et les circuits neuronaux qui relient le cortex préfrontal au cerveau archaïque (pulsions, émotionnel) ne commencent leur maturation qu'à partir de 5 ans... et la maturation dure jusque dans la 3e décade de la vie (environ 25 ans). De fait, l'enfant ne PEUT PAS contrôler ses émotions. Ce n'est pas qu'il ne veut pas, c'est tout simplement qu'il en est incapable. Ensuite, il est prouvé qu'on réagit à l'agressivité d'un enfant sans sur-réagir. Nous sommes les adultes, à nous de montrer l'exemple. Douceur, atitude posée et empathique sont de rigueur. Cris, menaces, punitions, renforcent l'agressivité de l'enfant.
Formons les professionnels. Formons les parents. Et surtout faisons appels à de VRAIS coachs respectueux pour venir en aide aux parents dépassés. Au lieu de se tourner vers ce genre d'émission, guidons les parents vers des structures bienveillantes. Priscille Arnaud en a recensé un bon nombre sur son annuaire de la parentalité.
Sachez qu'il existe une pétition pour l'arrêt de cette émission, qui se doit d'être stoppée si on continue dans ces conditions. Et j'écris bien si on continue dans cette optique! Car si cette émission se propose de rentrer dans les lignes d'une parentalité respectueuse et non-violente, alors elle pourrait toucher un large public et banaliser la non violence éducative.
Que ceux qui sont aussi indignés que moi le fasse savoir. Nous pouvons signaler en masse cette séquence au CSA. Le formulaire en ligne est disponible ici.
En espérant que ces mots aient pu retenir un peu votre attention.
Signé: Soline, une maman choquée, scandalisée, triste et en colère par les images visionnées.
le monde est a l'envers les parents n'ont plus droit a eduquer leurs enfants meme a lecole des affiches stipule : vos parents non pad le droit de vous mettre une fessée pas de gestes de violence ...
https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=1288609541173272&id=1107750102592551
Extrait de l'émission du 30/09/2016
"L’enfant doit bénéficier d’une protection spéciale et se voir accorder des possibilités et des facilités par l’effet de la loi et par d’autres moyens, afin d’être en mesure de se développer d’une façon saine et normale sur le plan physique, intellectuel, moral, spirituel et social, dans des conditions de liberté et de dignité. Dans l’adoption de lois à cette fin, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération déterminante."
Déclaration des Droits de l’Enfant, 1959.