[Humeur] Quand la culpabilité au sujet des places dans la fratrie et de ce que je peux éprouver est un véritable tsunami
Publié le 16 Mars 2017
A la naissance de mon deuxième enfant j'ai dû apprendre à composer, à partager mon temps. Mais cela va bien au-delà d'une simple équation mathématique.
On le sait, ce n'est pas un scoop, la place de l'enfant dans la fratrie est déterminante sur de nombreux points.
Lorsque j'ai eu mon premier enfant, tout était découverte. Emerveillement. Extase. Guimauve à souhait. Puis je suis tombée enceinte de ma fille cadette. Je n'ai pas pris le temps de me projeter dans ma grossesse et je ne me suis pas connectée à cette enfant qui grandissait en moi. Mon corps m'a bien envoyé quelques petites alertes afin de stopper le rythme de vie effréné afin de profiter, me poser. Je n'ai pas écouté. Bilan des courses, Mini-AVC à 5 mois de grossesse, MAP (Menace d'Accouchement Prématuré) à 6 mois de grossesse avec arrêt de travail définitif. J'ai pleuré. Je n'ai rien vu venir. Première vague de culpabilité.
J'ai alors commencé ma préparation à l'accouchement, dont une partie se faisait en piscine. J'étais enceinte de 7.5 mois. La sage-femme a alors proposé un temps calme afin que nous nous puissions nous connecter à notre bébé. En 7.5 mois de grossesse, je ne l'avais JAMAIS fait. Je n'avais jamais pris ce temps long, à toucher mon ventre, à parler à mon bébé. J'ai pleuré. Deuxième vague de culpabilité.
Pourtant ma cadette était désirée plus que tout. Nous avions, comme pour son frère, attendu des mois (qui m'avaient paru interminables) que son âme nous choisisse et que cette petite vie s'installe au creux de mon ventre et de notre cœur. Mais pendant tout ce temps, nous nous posions beaucoup de questions sur mon aîné. Comment allait-t-il vivre la grossesse? Comment fallait-il faire pour le préparer au mieux à l'arrivée du bébé? Comment gérer afin qu'il ne se sente pas exclu? Nous nous posions aussi beaucoup de questions sur nous. Comment serait-il possible d'aimer autant ce deuxième enfant, le premier prenant déjà toute la place? Je m'en voulais de me poser ces questions. Comment, moi, une mère, pouvais-je envisager la notion d'amour selon un partage voire pire, un dosage? Troisième vague de culpabilité.
Dans un élan rétrospectif sur ses premiers mois de vie et sur ma grossesse, je me suis rendue compte qu'il n'y avait pas toujours cette magie qui avait entouré ce que nous avions partagé concernant mon aîné. L'annonce de la grossesse a été émouvante certes, mais il manquait un petit quelque chose. Les échographies et tout ce qui tourne autour également. Mon mari me disait : "C'est normal, c'est parce qu'on connaît. Nous n'avons plus ce sentiment de découverte". Peut-être. Sans doute même. Mais cela ne me satisfaisait pas. Je crois que nous avons été moins émerveillés devant toutes ses premières fois. Les premiers "areuh", les premiers sourires, les premiers pas, les premiers mots. Il y des étapes que je suis parfaitement capable de dater pour mon fils aîné.... et j'en suis incapable pour ma fille cadette. Cela m'a beaucoup angoissé. Quatrième vague de culpabilité.
Et puis il y a les photos. Mon aîné a une base de données de photos classées mois par mois et richement complétée. Pour ma cadette c'est le freestyle. Il y a des photos d'elles classées un peu partout dans divers dossiers de mon ordinateur. Cinquième vague de culpabilité.
Mais c'est quoi cette faille temporelle qui accélère le ressenti du temps lorsque le second enfant vient au Monde? Il va falloir composer sans la DeLorean...
Bref, je pourrai continuer longtemps cette liste de vagues de culpabilités, qui, mises bout à bout, mènent à un tsunami. A une vraie tempête émotionnelle. Mais je souhaite avancer. Et sereinement.
Est-ce finalement si grave que les photos de ma fille ne soient pas classées? Après tout, des photos, il y en a. Et on a surtout des souvenirs pleins la tête.
Est-ce si grave si je ne me souviens plus de la date exacte de son premier sourire? Après tout, tous les instants importants restent gravés dans nos têtes et dans nos cœurs.
Est-ce si grave si je n'ai pas toujours géré comme je l'aurais souhaité? Après tout, nous ne sommes pas la famille Ricoré. Je me suis mis la pression. J'ai quelque part aussi subi la pression implicite mise par la société en général. Mais j'ai appris à lâcher prise. J'ai priorisé. J'ai donné quelques petits pots bio tous prêts lorsque j'avais le sentiment de ne pas y arriver. Je suis passée aux couches jetables écologiques lorsque je me sentais un peu dépassée avec les couches lavables. Et cela, c'est grâce à ma cadette. Elle m'a vraiment permis d'amorcer un travail introspectif sur moi-même, sur mon besoin permanent d'hyper-contrôle.
Est-ce si grave si, à un moment j'ai douté de la quantité d'amour que j'allais pouvoir offrir à ce second enfant? Après tout, se poser des questions, c'est la base du parentage. Et j'ai appris que ce n'est pas tant la quantité qui compte que la qualité. Tout comme le temps. "L'amour ne se divise pas, il se multiplie" est une phrase que je me répétais inlassablement durant ma seconde grossesse. Avec le recul, je nuancerai... Je résonnerai plus en terme qualitatif que quantitatif. Clairement, aujourd'hui je sais que l'égalité parfaite entre les deux enfants est impossible. On ne peut être présent autant pour l'un que pour l'autre. Mais nous sommes tous aptes à trouver l'équilibre. J'ai confiance. Mes enfants, je les aime tous les deux. Chacun dans leurs différences et leurs particularités.
Et pourquoi résonner en termes de manques et de vides? Car être le cadet c'est aussi avoir ce qu'un aîné n'aura jamais : un Grand Frère ou une Grande Sœur qui fait rire son Frère ou sa Sœur comme nulle autre personne ne sait le faire.
Au sein d'une fratrie, chaque place présente des atouts et chaque rang expose les parents à des difficultés particulières. La culpabilité de ne pas avoir fait "pareil" pour le second que pour le premier est là. Une chose est sûre toutefois. Malgré tout ce que j'ai pu lister aujourd'hui, je sais que je n'étais pas la même maman à la naissance de mon aîné et à la naissance de ma cadette. Entre temps j'ai cheminé. Entre-temps j'ai pu acquérir quelques certitudes. Entre-temps l'expérience s'est installée. Avec mon aîné j'ai tout découvert. Avec ma cadette je me perfectionne. Mais pas trop quand même... je n'ai pas envie d'être une "mère parfaite", je veux juste être moi.... et parfois avoir plusieurs bras comme Shiva! ;-)