[Humeur] Récupération médiatique dans la protection de l'enfance: entre non respect de la déontologie et déni de protection
Publié le 27 Janvier 2017
Suite à l'annonce d'hier, on assiste dans le monde médiatique à un déferlement de désinformation. Je tenais à rappeler quelques points.
Il y a ceux qui usent de titres (racoleurs) totalement faux!
[captures d'écran sur le réseau social Facebook]
Pour information, rappelons que, concernant les violences, la loi interdit déjà de frapper quiconque quelle que soit la nature du coup. Le texte est ici, il s'agit de l'Article 222-13, Modifié par LOI n°2016-444 du 13 avril 2016 - art. 11 : "Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsqu'elles sont commises : 1° Sur un mineur de quinze ans."
Pour être plus précise, il faut savoir que le Code civil étant insuffisamment précis s'agissant de l'autorité parentale, de ce fait, un droit de correction, qui a été toléré par quelques juges, fait jurisprudence. Nuance. Mais la jurisprudence ce n'est pas la loi! La fessée ou autre violence physique sur enfant n'est donc pas légale si on l'interprète à notre niveau. Le souci c'est que chacun va l'interpréter à son échelle. Car on a là un véritable problème d'ordre linguistique. En terme législatif, le mot violence n'est JAMAIS défini. C'est pour cette raison qu'il eût été souhaitable de voir apparaître les mots 'châtiments corporels' et 'Violences éducatives ordinaires' dans un texte législatif. Quelque chose d'explicite en somme.
En l'état actuel de la loi, la fessée comme les VEO ne sont pas interdites car elles ne sont pas définies comme une violence par la législation (et encore moins par le langage courant)... Mais cela ne veut pas dire que cela n'en est pas une!
De ce fait, un journaliste qui met en titre de son article "la fessée reste autorisée" ou "la fessée restera autorisée" ne dit que SA vérité, son interprétation personnelle. Et c'est très grave pour plusieurs raisons.
Tout d'abord il ne respecte pas le code de déontologie lié à sa profession. Je rappellerais simplement la Charte de Munich du 24 Novembre 1971, de laquelle dépend la profession journalistique qui énonce droits et devoirs du journaliste. Parmi les dix devoirs on retrouve le respect de la vérité et de la vie privée, l'impératif de ne publier que des informations « dont l’origine est connue » ou accompagnées de réserves, l'obligation de « rectifier toute information qui se révèle inexacte ». A méditer...
D'autre part, il dit aux gens qu'ils peuvent faire un acte qui est susceptible d'être répréhensible par la loi. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est une incitation à la violence, mais on n'en est pas loin... Il y a minimisation voire banalisation d'un acte qui peut avoir des conséquences visibles comme invisibles, et surtout dramatiques. Rappelons que les deux enfants qui meurent chaque jour en France n'ont pas connu ce triste sort par hasard. Tout a commencé par un coup.
Il y a ceux qui n'ont pas saisi l'essence même du sujet
La teneur du texte dont les journalistes font écho a été à de maintes reprises réduite à la fessée. Il faut savoir que ça va bien au-delà de cela. L'article 68 (devenu 222) du projet de loi « Égalité et Citoyenneté » voté par l’Assemblée nationale apportait des compléments à l’article 371-1 du Code civil en précisant que l’exercice de l’autorité parentale exclut « tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles. ». Il n'a jamais été question QUE de violences physiques. C'est très réducteur... mais cela n'en reste pas moins racoleur et vendeur. Et passons sur le fait que systématiquement l'illustration de l'article soit une scène de violence... car la fessée est belle et bien une violence.
D'autre part, il me semble primordial de préciser que ce n'est pas le fond du texte qui a été retoqué hier par le Conseil Constitutionnel. Ce texte a été invalidé car il ne présente pas de lien avec le reste du projet de loi. En effet la loi "Egalité et Citoyenneté" est née suite aux attentats de 2015 dans le but de rassembler tous les français autour des valeurs de la République. Il s'agit officiellement d'un vice de forme. Ce qui n'est qu'un vice de procédure ne doit pas être pris pour une non légitimisation de l'intérêt d'une telle loi. Invalider sur la forme laisse donc toutes ses chances au vote d'une future "vraie" loi.
Et puis il y a les commentaires de certains lecteurs...
Hormis le fait que les journaux en question ne soient pas "responsables" de manière directe des commentaires laissés par les lecteurs.... Notons qu'ils le sont tout de même par la formulation fausse des titres. De ce fait c'est un déferlement d'avis pro-veo. A titre d'exemples...
Banalisation des violences :
Méconnaissance des effets délétères sur le cerveau et de l'impact général des violences :
Minimisation de l'importance capitale du sujet :
Non remise en question sur le fait de former une bonne fois pour toute TOUS les professionnels de l'enfance sur le sujet :
En bref, je pense qu'à l'heure actuelle il est nécessaire d'avancer vers plus de respect de l'individu en général et de l'enfant en particulier. Je souhaiterais réellement que les informations données par les médias ne soient pas partielles.... ni erronées. Car cela est contre-productif. Avançons ensemble main dans la main. Elever un enfant c'est difficile mais on sait qu'on peut toujours faire mieux.
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