Patrick, qu'est ce qu'on est serré dans cette boîte entre résilience et déni
Publié le 3 Avril 2016
Patrick,
Ton gagne-pain c'est "amuseur public", moi les quelques miettes qui me restent de mes journées font de moi une "défenseur des droits des enfants". Oui, je sais, c'est moins fun. La probabibilité pour que l'on casse la croûte ensemble est infime. De ce fait, je t'écris quelques mots. Rapport à quelques-uns de tes propos tenus à la télévision hier soir (ndlr : "On n'est pas couché", diffusé le samedi 2 Avril 2016). Mais comme je ne suis pas une fille très fun, on va faire ça en chanson, çe te sera peut-être plus parlant.
"Qu'est ce qu'on est serré au fond de cette boîte" chantaient les sardines. Je n'avais jamais trop cherché à comprendre mais là j'ai compris. "Cette boîte" dont tu parles, c'est ta boîte cranienne. Tout s'éclaire! Je m'explique.
Je te cite : "Moi, j'ai vécu le martinet sur les fesses, et ça m'a pas fait plus de mal que ça. Je suis incapable de le reproduire sur qui que ce soit, je n'encourage personne à le faire, mais moi, j'ai vécu ça, j'ai vécu des tartes, comme les mômes de ma génération… Franchement, ça ne nous a pas traumatisés".
En tout premier lieu (à défaut de sardines.... que ceux qui ont compris la blague lèvent la nageoire!), je te dis bravo. Bravo pour ne pas encourager les français à user de violences envers les enfants. Bravo car tu dis en être incapable. Tu es donc quelqu'un d'humain, avec un minimum d'empathie. Mais là où je ne dis pas Bravo, c'est pour la suite de ton intervention. Patrick, tu banalises la violence envers les enfants là. Quand tu dis que tu as vécu la violence et que tu sous-entends que ça va, tu banalises. Tu laisses croire à ceux qui usent de châtiments corporels et autres violences éducatives ordinaires que c'est la norme. Sauf que ce que tu évoques ici, ça porte un nom: la résilience. Il s'agit de la possibilité de mener une vie "normale" ou presque malgré des expériences traumatisantes (je reviens sur le traumatisme tout à l'heure).
Ensuite, j'ai le sentiment de lire ici une pointe d'incohérence. Peut-être que je me trompe... mais dire que frapper un enfant (avec un martinet) ne fait pas si mal... et ensuite n'encourager personne à le faire. Avec cette incohérence, effectivement je comprends qu'on soit serré dans la boîte, car il doit y avoir des noeuds dans tous les sens.
Enfin, tu ne nous dis pas toute la vérité. Enfin, c'est un doux euphémisme. C'est un mensonge que tu profères mais tu n'en as pas conscience. Tu mens lorsque tu dis que tu n'es pas traumatisé. Sentiment d'impuissance, angoisse, développement d'une image négative de soi et des autres, agressivité, délinquance, addictions diverses (alcool, drogue, sexe...), troubles de la personnalité, personnalité borderline, narcissique, compulsive et paranoïaque, insensibilité, cynisme, etc... sont autant de résultantes du stress post-traumatique dû aux coups. Aujourd'hui on sait tout ça, les recherches en neurosciences nous apportent les connaissances. On ne peut plus dire qu'on ne sait pas. On sait.
Dans le discours que tu tiens, on a envie de te faire malgré tout un gros câlin pour guérir ton enfant intérieur. Car là tu es en plein déni. Rien d'anormal. Les études le montrent. La position de l'adulte dominant fait que souvent l'enfant accepte la violence qui lui est infligée. Toi, enfant, tu as subi, tu as appris à ne plus rien ressentir et tu ne veux sans doute pas accuser tes parents, ni les remettre en question. Tu es comme 90% des adultes qui ont vécu des VEO (Violences Educatives Ordinaires), tu dénies. A cela s'ajoute un énorme problème, celui de la confusion des règles éthiques. Tout ça pour un même cerveau c'est beaucoup. Ainsi, quand tes parents te donnaient ces coups de martinets sur les fesses ou ces "tartes", tu comprenais cet acte comme moralisateur et culpabilisant: "Je te donne ces coups, je te punis, c'est pour ton bien". Toi enfant, tu as certainement traduit cela en ces termes "J'ai le droit de faire du mal pour faire du bien". Et pour cela, je t'envoie un câlin virtuel.
En bref, effectivement, "qu'est ce qu'on est serré au fond" de ta boîte crânienne. Ta copine la résilience cohabite avec son collègue le déni. Et au milieu d'eux on peut peut-être aperçevoir leurs copains : troubles de l'humeur, troubles anxieux, agressivité et j'en passe. La chanson disait vrai...
A défaut de faire "tourner les serviettes", faisons tourner les combats contre les VEO! Et surtout, arrêtons avec ces mensonges niant les traumatismes. Les VEO ont des repercussions dramatiques, on le sait tous maintenant!